BANANA'S PIXELS

La banane est, dans l’imaginaire collectif européen, longtemps restée une sorte de fruit gag. Et pourtant, au sein de nos écrans, elle a su -progressivement- se muer en un signifiant polyvalent qui (excusez du peu!) est parvenu à survivre à quatre décennies de consoles aussi diverses que variées.  Mais alors, comment, l’icône jaune reste-t-elle un marqueur signifiant à l'intérieur de nos écrans ? 

A partir de plusieurs captures « in-game » nous allons embarquer dans un étonnant périple et nous allons survoler les multiples histoires de ce fruit oblong : Donkey Kong Country (1994), DK64 (1999), Super Monkey Ball : Banana Mania (2021),  Mario Kart (1992-2023), Fortnite (2019), My Friend Pedro (2019),ou encore Sea of Thieves (2018)... Autant de jeux, autant de bananes... 

 

Vitale banane

 

Dans Donkey Kong Country, le fruit remplace la pièce : cent bananes valent une vie et celle-ci sert de plus de guide au joueur en lui  signalant passages secrets et autres sauts suggérés. Les sprites précalculés et les jolis reflets dorés qui s’inscrivent sur sa peau la hissent déjà au rang d’objet-fétiche.

Cinq ans plus tard, Donkey Kong 64 érige la Golden Banana (201 exemplaires) en trophée. Fini le simple fruit, ici la banane est hypertrophiée, animée et dispose d’un comptage numéroté. Le fruit devient plus que jamais relique à collectionner.

Dans Sea of Thieves, croquer une banane restitue vingt unités de vie. D’ailleurs lorsque le pirate l'avale en omettant de retirer la peau, le joeur est confronté à une scène très "cartoon" dans son essence.   

Dans Breath of the Wild, la Mighty Banana du clan Yiga fournit un bonus d’attaque, recyclant à son corps défendant un certain imaginaire colonial où la banane symbolisait alors la vigueur exotique.

 

Diabolique Banana

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Changement de régime! Le fruit sait aussi se faire vicieux et mal-attentionné.

Introduite dans Super Mario Kart (1992), la peau provoque dérapages et tête-à-queue. Sa notoriété est telle que les joueurs de Crash Team Racing Nitro-Fueled (où la fiole verte remplit un rôle voisin) en viennent, sur les forums, à jalouser ladite banane qui, sous ses airs innocents, fait tant de dégâts. 

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Quant au jeu My Friend Pedro, ce n'est guère mieux si ce n'est pire. Le protagoniste en venant à suivre les ordres d’une banane psychotique aussi mentalement dérangée que sanguinaire. Ne vous fiez pas à son petit sourire, elle ne vous veut pas que du bien!

 

Marchandisation et transmédialité :que vienne le glorieux règne bananier!

 

Débloqué en février 2019, Peely est la nouvelle mascotte de Fornite. Cette banane anthropomorphe dont l'épiderme mûrit en temps réel (passant du vert au brun pendant la partie) existe en douze variantes (Agent, Unpeely, LEGO… ) complétant ainsi sa fonction de personnage-service. La collaboration avec la marque Crocs en 2025 confirme un engouement pour l’instant non encore démenti. Il faut dire qu'Epic Games a osé multiplier les déclinaisons et la silhouette (vaguement anxiogène, je trouve) de Peely se retrouve partout (sacs à dos, figurines Funko…).

Le fruit opère à plein comme "marque ombrelle", sa silhouette simple et sa couleur saturée permettant une reconnaissance immédiate que celui-ci soit imprimé sur des textiles ou matérialisé en goodies. Bienvenue à toi « loop merch », technique si commune à l’ensemble des jeux-services.

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Et n'oublions pas, plus la figure est triviale, plus elle accepte de sémantisations contradictoires sans perdre en rien son capital d’évidence visuelle. Il est intéressant par ailleurs de constater un glissement progressif : du fruit exotique un peu bête et franchement running-gag (peau glissante) vers la célébration d’une hyper-abondance en passant par la fétichisation (Golden Banana). D’une certaine manière c’est l’histoire mondiale du fruit qui peut se lire en sous-texte : de symbole colonial, à produit de masse au branding généralisé qui fait que tout peut devenir idole.

Ainsi, la banane, « fruit le plus bête » s’impose comme un véritable petit laboratoire sémiotique. A elle seule, elle montre comment le jeu vidéo permet de recycler l’apriori l’insignifiant pour fabriquer du sens commun dans écosystème où l’attention du joueur est, in fine,  la ressource la plus rare.

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Et vous, quelle banane vous a le plus marqué ? 

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